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STYLE DES PREMIERS PROSATEURS 4Ca

de début ; on ne pouvait encore avoir une claire con- naissance de ce qui constitue, en prose, la beauté pro- prement classique, et bien moins encore de ce qui ajoute, chez certains prosateurs des époques raffinées, aux ver- tus propres et essentielles de la prose, un reflet inattendu de poésie. De là, chez ces vieux écrivains grecs, des tâtonnements et parfois des contradictions. En général, ils voulaient écrire comme ils parlaient, avec une grande simplicité, plus soucieux de faire des œuvres vraies que des œuvres belles. Mais cette simplicité voulue ne pou- vait pas être sans mélange. D'une part, des réminiscen- ces poétiques involontaires se mêlent parfois, chez ces écrivains encore inexpérimentés, au langage de la vie quotidienne; ils veulent rompre avec les vers, mais leur phrase, comme leur pensée, est toute hantée de poésie; des mots d'Homère ou d'Hésiode se mêlent à leurs dis- cours. D'autre part, quelques-uns ont déjà le sentiment que la prose doit être capable de force, d'éclat, de beauté artistique; mais ils ne savent pas ce que ces qualités peuvent être en dehors de l'épopée et du lyrisme, si bien qu'ils retombent encore en partie dans le langage poétique : ils devinent le but plutôt qu'ils ne le voient clairement ; ils cherchent et ils hésitent. Comme autre- fois les poètes, ils travaillent sans avoir sous les yeux aucun modèle étranger ; l'évolution de la prose grecque, à cet égard, est toute spontanée; mais, à la dift'érenco des poètes, ils sont précédés par une vieille tradition na- tionale (la tradition poétique) qu'ils subissent en partie alors même qu'ils la répudient.

Les courts fragments de Phérécyde de Syros, qui sont ce que nous avons de plus ancien parmi les vieux monu- ments de la prose grecque, sont caractéristiques à ce point de vue K Le titre même de son ouvrage est formé d'un

1. (Jf. le chapitre précédent, p. 451.

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