Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/496

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s’il n’avait été que géomètre ou philosophe spéculatif, la foule l’eût ignoré.

Comme savant, on lui attribue certains progrès astro- nomiques, notamment la substitution de la Petite Ourse à la Grande Ourse dans les observations des navigateurs. Mais rien de tout cela ne révèle avec certitude des re- cherches vraiment originales. En matière de science positive, il parait avoir été surtout le disciple intelligent des Phéniciens et des Égyptiens, et avoir joué le rôle d’un intermédiaire habile entre eux et ses compatriotes.

Mais il ne s’en tint pas à ce genre de connaissances : sa curiosité de Grec et d’Ionien, provoquée, mais non satisfaite par les vieilles cosmogonios épiques, voulut agiter de nouveau Téternel problème. Il disait, à la manière des poètes, que « tout était plein do dieux », faisant ainsi allusion, suivant Aristote, aux manifesta- tions innombrables de la vie K Sur l’origine des choses, il avait une théorie : il croyait que tout venait de Teau. C’est pour cela, dit encore Aristote, qu’il se représentait la terre comme nageant à la surface de l’eau ^. Quels étaient au juste le sens et la portée de ces affirmations ? Les an- ciens eux-mêmes n’en savaient pas plus que nous à cet égard; car Thalès n’ayant rien écrit, on ne pouvait connaître sa doctrine que par quelques souvenirs légers et flottants qui s’en étaient sans doute conservés dans l’ouvrage de son successeur Anaximandre. Peu importe, après tout : ce qui est intéressant, c’est bien moins de connaître le détail des vues de Thalès, nécessairement superficielles et grossières, que d’en noter l’apparition, et de saisir ainsi, au point initial, l’impulsion décisive qui va donner le branle à toute la philosophie et à toute la science des Hellènes.

1. Aristote, De l’Ame, I, 5, p. 411, A, 7 (wavra ’Rkr\py\ Ocâv elvai). Cf. Diogène Laërce, I, 27.

2. Aristote, Mélaphys., I, 3, p. 983, B, 20.