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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/524

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512 CHAPITRE IX. — PHILOSOPHIE ET HISTOIRE

moralo se présentait d'abord sous la forme delà politique. Mais de cette partie de son ouvrage, presque tout a péri. Il disait pourtant quelque part que le peuple devait dé- fendre la loi comme une muraille K La pensée est belle, et Ton voit par où elle se rattache à l'ensemble de ses idées: c'est qu Heraclite méprise, nous l'avons vu, Tin- dividuel et le particulier, plus changeant et plus éphé- mère que le général ; or la loi participe, plus que le sens propre, de cette « raison commune » (Çuvo; Xdyo;) qui est, à ses yeux, la source suprême de la science et la mesure de la vérité.

La grandeur de la pensée, chez Heraclite, a toujours été reconnue, et plus que jamais peut-être depuis un siècle. Mais, comme écrivain, les anciens le mentionnent surtout pour ses défauts. On le surnommait « Tobscur » (6 (ncorei- vo;'). Aristote cherchait déjà la cause de cette obscurité, et croyait la trouver dans la structure de ses phrases, brusques, sans verbes, et qu*on ne savait comment ponc- tuer ^ . Celte obscurité est incontestable, mais non pas aussi grande que la légende le ferait croire ; et peut-être, là où elle existe, vient-elle moins des mots eux-mêmes, ou d'une forme de phrase vicieuse, que de la nouveauté extraordinaire des idées, du paradoxe fondamental de cette doctrine où les oppositions se résolvent en harmo- nies, et du choc imprévu, rapide, qui en résulte entre des notions en apparence disparates. Aux yeux des moder- nes, les qualités du style d'Heraclite l'emportent de beau- coup sur ses défauts. Sa prose n'est pas l'œuvre d'un art achevé, tant s'en faut, ni même peut-être d'un art régu- lier : mais c'est une œuvre de génie, et elle a sans aucun doute jeté dans l'esprit grec, pour ce qui est de l'art

1. Fragm. 20.

2. Suidas, y. *UpaxXsiTOc.

3. Aristote, Rhél,, III. 5, p. 1407, B, 14-15. Cf. Dômôtrius, Étoc.. 129.

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