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HERACLITE 513

même du style, des semences fécondes. Il a aussi peu que possible le talent dialectique, c'est-à-dire le talent de décomposer les idées, et de les démontrer en les démon- tant, pour ainsi dire; il ne sait encore qu'affirmer, pro- clamer comme un oracle ce qu'il croit vrai. Mais il affirme avec éclat, avec force, avec précision. Il ne se borne pas à exposer sa pensée ainsi qu'une chose indifférente qui se défendra elle-même comme elle pourra : il lui donne un relief extraordinaire ; il souligne par des antithèses la contradiction fondamentale apparente ; il accentue la difGcullé qui fait scandale ; il ramasse l'idée dans une formule dense qui lui donne plus de force et de portée. Il a l'imagination d'un poète; il a la passion d^un orateur; passion qui brùlc sans s'épancher ; imagination qui brille sans s'épanouir. Tout cela est bref, dur, un peu trop éblouissant. Ce qui manque, c'est ce que l'art pourra donner, l'habileté à ménager ses richesses et le talent de les faire valoir. Mais quelques-unes des qualités d'une grande prose sont déjà là : jamais écrivain ne fut plus riche de ces mots qui se gravent, qui pénètrent et qu'on n'oublie plus.

Tandis qu'Heraclite développait la théorie du change- ment universel et essentiel, Parménidc d'Élée en prenait exactement le contre-pied. Celui-ci est le successeur légi- time de Xénophane ; il dépasse son mattre, mais en res- tant fidèle à l'idée fondamentile du système.

La date de la naissance de Parménide est mal connue. D'après Diogène Laërce \ il serait né vers 540. D'autre part, Platon raconte à plusieurs reprises ^ que Socrate, dans sa jeunesse (ccpoSpa vfo;), put encore le voir et l'en- tendre causer dans un voyage qu'il fit à Athènes à l'âge

i. Diogène Laërce, IX, 23.

2. Parménide, p. 127, A; Théétète, p. 183, E; Sophiste, p. 217, E.

Ilist. do la Litt. grecque. — T. II. 33

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