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516 CHAPITRE IX. — PHILOSOPHIE ET HISTOIRE

manifeste? Questions controversées et difficiles. Los fragments qui nous restent de cette partie du poème sont beaucoup plus courts que ceux de la première ot laissent une large place aux hypothèses. L'ontologie deParménide nous est bien connue ; sa cosmologie, au contraire, nous échappe. Nous n'essaierons pas de la reconstituer. C'est affaire aux philosophes ou, plutôt encore peut-être, aux historiens de la science grecque, de débattre ces ques- tions ; ici, c'est de littérature avant tout qu'il s'agit. A ce point de vue, d'ailleurs, Parménide mérite toute attention. Son originalité littéraire, c'est d'associer une rigueur dialectique toute nouvelle, un talent de déduction et d'abs- traction surprenant, avec la passion et parfois même l'éclat du style. Il y a chez lui du poète, de l'orateur et du géomètre. Aux yeux des anciens, la dialectique de Parménide avait fait tort à sa poésie. Gicéron juge ses vers médiocres, minus bonis versibus \ Plutarquo nie que ce soit de la poésie; car la poésie, dit-il, ne va pas sans mythes, et il n'y a pas de mythes dans Parménide^. Aris- tote, qui a défini la poésie une « imitation », l'imitation de la vie, jugeait probablement Parménide comme il ju- geait Empédocle, en qui il se refuse à voir un poète ^. Mais nous ne saurions, nous modernes, être tout à fait de cette opinion. Car la définition d'Aristote, prise trop à la lettre, exclurait Lucrèce delà liste des poètes. Or nous voulons voir un poète dans Lucrèce, et par conséquent aussi dans Parménide, ce Lucrèce grec. Toutes ses abs- tractions et ses déductions ne sauraient nous donner le change. Nous le sentons poète par une plénitude extraor- dinaire de vie et d'émotion. Chez lui, la métaphysique la plus abstraite est accompagnée d*u ne sorte d'exaltation, d'ivresse philosophique. 11 y a, dans ces vers abrupts,

4. Acad, II, 23.

2. Lecture des poètes, c. 2; Manière d^écouter, c. 13.

3. PoéL, c. 1.

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