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PARMKNIDE 519

gage; juge avec ta raison le sujet de ces disputes et les preuves que j'énonce. Une seule issue te reste, c'est que l'être existe.

Parménide alors décrit l'être en soi, et aussitôt, comme dans un hymne, toutes les qualités de cette espèce de Dieu, la Substance, se pressent sur les lèvres du poète en épithètes rapides et fortes :

L'Être existe; et mille signes nous prouvent qu'il n'est pas né et ne mourra pas; c'est le Tout, l'Unique, Tlramobile, l'In- destructible. Il n'était pas et ne sera pas, car il est. C4'est l'Être universel, un et continu.

Suit une argumentation dialectique, pour réfuter les objections : le poète procède par interrogations accumu- lées; il est tour à tour pressant, impérieux, enthousiaste. Ses vers sont d'une plénitude et d'une brièveté presque intraduisibles. Le rythme donne des ailes à l'argument.

Comment veux-tu que l'Être soit né? En quelle manière? De quelle origine? D'où lui viendrait son accroissement? Du non-être? Je te défends de le dire et de le penser? On ne peut ni dire ni penser que l'Être ne soit pas. Et quelle nécessité l'eût fait être? Pourquoi plus tôt ou plus tard? 11 n'y a dans l'Être ni naissance ni commencement. Il est absolument ou il n'est pas, et nulle force d'argument ne permettra jamais que rien en sorte qui ne soit pas lui. Qu'il puisse naître ou mourir, c'est ce que ne souffrira pas la Justice, détendant les chaînes dont elle le tient serré.

On voit la nouveauté do ce langage et l'importance du rôle de Parménide dans l'hisloire de l'esprit grec *. Si l'on compare cette vigoureuse poésie philosophique à la vieille poésie didactique d'Hésiode, on est frappé du pro- grès intellectuel qui s'est accompli de Tune à l'autre. L'inspiration d'Hésiode est avant tout pratique et tradi-

1. La deuxième partie du poômo de Parménide, plus descriptive, parait avoir été bien moins originale.

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