Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/532

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tionnelle. De plus, elle est courte d’haleine, sentencieuse, vraiment populaire. Les Muses de l'Hélicon, qui inspirent Hésiode, ne savent pas encore argumenter; leur voix douce, grave, un peu faible, n*a pas la vigueur âpre des accents que la déesse de la Vérité fait entendre à Parménide. Xénophane lui-même, le prédécesseur et en partie le maître du philosophe d’Élée, a bien plus de douceur élégiaque et de mollesse ionienne ; c’est un poète religieux plutôt qu’un métaphysicien raisonneur. Tous les philosophes et les prosateurs n'ont guère fait encore jusque-là qu’exposer des systèmes ; Heraclite ne discute pas : il affirme et tranche d’autorité. C’est chez Parménide que la Grèce, jusque-là mère dos poètes, mais bientôt mère des sophistes et des rhéteurs, vit apparaître pour la première fois avec éclat cette subtilité rigoureuse de dialectique qui devait donner à son génie une trempe si forte. A cet égard, l’influence de Parménide fut décisive. Empédocle, qui fut presque son contemporain, lui ressemble encore, mais avec moins de rudesse et de contention. Le fait est qu’on ne pouvait en avoir davantage sans renoncer à la poésie. Le mérite de Parménide est d’avoir été pour la première fois dialecticien sans cesser d’être poète. Après lui, l’équilibre est rompu. Le successeur immédiat de Parménide, dans ce qu’on appelle l’École d’Élée, fut Zenon, qui fit faire des progrès à la dialectique, mais qui, du même coup, cessa d’écrire en vers. La philosophie grecque, selon le mot de Strabon, descend du char des Muses, et marche à pied. La poésie et la science vont chacune de leur côté ; ou si parfois, dans quelques poèmes didactiques alexandrins, elles se rencontrent de nouveau, ce n’est que par artifice, et sans beaucoup de sympathie réciproque.

Zenon et Mélissos, qui continuèrent après Parménide l’Ecole d’Élée, ne sont pas à proprement parler des écri-