Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/537

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des poètes ^ : c’était la conséquence nécessaire de sa théorie, qui fait consister la poésie essentiellement dans l'imîtation. Mais, aux yeux des modernes, Empédocle est un vrai poète; non parce qu’il écrit en vers, mais parce qu’il a les qualités poétiques par excellence, l'enthousiasme, le don d’animer ses conceptions, la souplesse élégante, la grâce brillante et ingénieuse de l’expression. Sa poésie, comme celle de Xénophane et de Parménide, donne occasion d’observer combien la langue des vers était alors, entre des mains habiles, plus obéissante que la prose. Empédocle, dans les fragments que nous avons de lui, ne discute pas beaucoup : ce n’est pas un dialecticien comme Parménide ; il expose plus qu’il ne démontre; mais il excolle à mettre son idée en lumière; il en montre- toutes les faces avec aisance et clarté. La première chose, à ses yeux, c’est d’être clair, fallùt-il pour cela répéter la même idée deux et trois fois :

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Mais d’ordinaire il n’en a pas besoin. Sa phrase se déroule facilement, amplement, et s’égaie d’images, de belles épithètes, de comparaisons. Laissons de côté les morceaux brillants qu’on pourrait tirer soit des Purifications, soit des Remêdes, et où c’est surtout le mystique et le prophète qui parle, non sans quelque ostentation. Mais, dans le poème Sur la Nature, voici quelques passages qui font bien voir les qualités d’Empédocle écrivain, la netteté dans l’exposition des notions abstraites, un heureux mélange de vieilles expressions et d’idées nouvelles, l’élégance et la précision :

Comme je l'ai dit tout à l’heure, éclairant les principes de

1. Poét., c. 1.

2. V. 232.