Aller au contenu

Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/571

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES 559

Si ToD concluait de là qu'il est lo créateur de Thistoire telle qu*on l'entend aujourd'hui et que son livre ressem- ble de tous points à ceux qui s'écrivent do nos jours, on serait loin de compte. D'une manière générale, tous les anciens ont écrit Thistoire autrement que nous : il en est de l'histoire comme de la tragédie, qui porte le même nom sous Louis XIV qu'au temps de Périclès, bien que ce nom représente en réalité, aux deux époques, deux choses distinctes. En outre, dans l'antiquité même, Héror dote occupe une place à part.

Quand nous lisons une œuvre d'histoire écrite par un ancien, que celui-ci s'appelle Thucydide, Polybe ou Tacite, nous la trouvons éloquente, dramatique, belle enGn, mais d'une beauté simple, droite, et, pour ainsi dire, un peu grêle. C'est la beauté d'un bas-relief où des personnages peu nombreux sont disposés dans un bel ordre, tous au premier plan. Les attitudes des héros sont nobles et ex- pressives. Mais la foule n'y est qu'indiquée sommaire- ment et la profondeur manque. Les meilleurs historiens de l'antiquité étudient surtout les grandes forces histori- ques (individus, cités, armées) dans leur jeu extérieur et dans leur action. En fait d'explications, ils ne poussent guère au delà des motifs moraux, des considérations po- litiques proprement dites, ou des appréciations stratégi- ques. Quant aux causes lointaines qui ont formé ces âmes, ces cités, ces armées (religion, mœurs, institutions), ou qui rendent possible leur action (Gnances, économie politique, organisation), ils n'y touchent que rarement et en peu de mots. L'histoire qu'ils écrivent n'est ni com- plexe ni profonde comme celle qu'écrivent les modernes. Elle n'a pas non plus, dans l'exposition, le même respect du document authentique, du fait directement puisé à la source et transmis sans intermédiaire ; elle ignore la saveur de la réalité toute pure ; elle en donne moins la sensation immédiate qu'elle n'en montre le reflet perçu

�� �