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560 CHAPITRE X. — HÉRODOTE

d'abord par l'œil cl par Tesprit d*un artiste. Bref, clic simplifie et elle idéalise.

Cette différence dans la représentation vient en partie de la différence même des objets représentés Le monde ancien est plus restreint et plus simple que le monde mo- derne. Dans la cité, si étroite, Tindividu grandi» par Tcxi- guité même du cadre. La science commence à peine; Tin- dustrie est primitive; les arts les plus difficiles sont rela- tivement aisés : la division du travail ne les a pas encore portés fort loin : un orateur athénien, un patricien ro- main s^improvisent tour à tour généraux ou chefs d'es- cadre ; l'organisation administrative se réduit à peu de chose. Dans cet état rudimentairc des forces spéciales et techniques, les forces morales ont beau jeu. Et elles s'exercent avec d'autant plus d'effet que les individus sont plus voisins les uns des autres, qu'ils se connaissent, et que chacun est apprécié pour ce qu'il vaut. Elles sont d'ailleurs peu compliquées; car l'âme antique a moins do replis que la nôtre : les conflits entre la conscience et l'État, le sentiment de la difficulté de savoir, Top- pression qui résulte pour l'esprit moderne de la multi- tude des faits et de la richesse même des expériences, sont des complications morales presque dlrangères h l'an- tiquité. C'est en partie pour cela que les historiens anciens diffèrent des historiens modernes, mais en partie seule- ment; car l'histoire même de l'antiquité, quand elle est ra- contée par un moderne, devient tout de suite autre chose que ce qu'elle est chez un écrivain romain ou grec.

C'est que la différence est surtout dans l'âme de l'ar- tiste ; elle est dans le spectateur plus que dans le spec- tacle. L'esprit antique se représente la vie universelle comme une série d'existences parallèles qui ne se ren- contrent ni ne se mêlent : il est essentiellement polythéiste, malgré les Xénophane et les Heraclite. Aussi, quand il écrit l'histoire, il isole et détache deux ou trois ordres de

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