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592 CHAPITRE X. — HÉRODOTE

II est avisé, prudent, fin ; il n'est ni savant de métier ni philosophe. Voilà, en deux mots, l'étendue et la limite de Tcsprit critique chez Hérodote.

Par exemple, de même qu'il met de la différence entre ce qu'il a vu lui-même et ce qu'on lui a rapporté, de même il distingue fort bien entre un bruit vague et l'af- firmation d'un témoin oculaire *. S'il rapporte un fait nouveau ou surprenant, il elle des autorités : c'est Ar- chias, ou Dikseos, ou Thersandros qui l'ont raconté les premiers de vivo voix, soit à lui-même, soit à d'autres, et il dit par quels intermédiaires le récit a passé ^. 11 sait douter, et ne se porte pas garant de tout ce qu'il rap* porte :

Je dois dire ce qu'on raconte, mais non pas tout croire sans réserves; que celte déclaration s'applique à tout mon ou- vrage 3.

Et sans cesse il lui arrive de rapporter des traditions à l'égard desquelles il dégage sa responsabilité. Il met ainsi d'accord, de la manière la plus heureuse, et sa conscience d*hislorien et la satisfaction de notre curio- sité : car ces récits qu'il ne veut pas donner pour vrais sont pour la plupart aussi délicieux que peu conformes à la réalité, et c'eût été grand dommage s'il avait dédai- gné de les recueillir. Très souvent aussi, entre deux ou trois formes divergentes d'un même récit, sa critique hé- site: il ne sait laquelle choisir; il refuse alors de se prononcer ; il fait le lecteur juge du débat et lui sou- met toutes les pièces avec impartialité. En tout cela, on ne peut que louer la prudence et le bon sens de l'histo-

i. III, il5;IV, 16.

2. IIL 55 ; VIII, G5 ; IX, 16.

3. VII, 152 : 'Eyw Ôà ôçeiXo) ^éyeiv rà Xerifiieva, ne^Oto-Oa^ yt jjiiv Ov TcavTotTraffi ôçe^Xw, xat |ioi toOto to êtcoç èx^Tw iç icavra tov Xifov. Cf. II, 123, et souvent ailleurs. . < ..

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