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622 CHAPITRE X. — HÉRODOTE

Chez Hérodote, elle est souple et un peu flottante, sùjelle parfois aux digressions (comme la composition de tout louvrago), gracieuse et facile avec quelque mollesse, mais capable aussi d'émotion et de grandeur, suivant les circonstances. Le ton qui domine est celui d'une bonho- mie familière et simple; alors, le mouvement du style a beaucoup de laisser-aller. Ailleurs, le ton s'élève; un accent religieux, parfois mélancolique, s'y fait entendre; le rythme de la phrase traduit aussitôt cette émotion : l'élocution devient sentencieuse; chaque membre do phrase^ pareil à un oracle, tombe avec une sonorité mo- notone et grave K Quand on lit un morceau de ce genre, on se rappelle le mot de Denys, et l'on songe à Homère ou à Solon. Voilà ce qu'on ne trouvait pas chez les logo- graphes et ce qui fait qu'Hérodote est un grand écrivain. Mais, d'ordinaire, celte élévation dure peu : le souffle est court et peu soutenu; Timagination, facilement distraite (comme celle d'un enfant), vole d'un objet à l'autre, et la phrase, ainsi que la pensée, recommence à se dérouler librement, capricieuse et flottante.

Il est aisé de voir à quels emplois ce style se prête de préférence, et dans quelle mesure. Il n'est pas oratoire. Hérodote, sans doule, a de nombreux discours dans son histoire, et quelques-uns sont justement regardés comme fort beaux; mais la beauté en est plus poétique et lyrique que proprement oratoire, et c'est avec raison que les anciens nomment Thucydide comme l'historien qui sut le premier composer de vrais discours, de vraies démégo- ries -. L'élo(juence vit surtout de dialectique et de pas- sion. Or Hérodote n'est ni passionné ni dialecticien. H n'a pas cette rigueur qui décompose les idées, qui les enchaîne, qui construit de longs raisonnements, et qui

1. Par exemple, dans le discours d'Artaban (Vil, 40, 4-6), ou dans le discours du seigneur perse au festin d'Attaginos (IX, Ifi).

2. Marcellin, Vie de Thuc, 38.

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