Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/635

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tend à son but avec uqc persévérance inflexible; ni celle passion opiniâlre qui enflamme la dialeclique de l'ora- teur. Ce sont là les qualités d'un art très mûr, très viril, très savant aussi; car elles ne s'acquièrent que par la réflexion et l'exercice prolongé. Hérodote, qui a pu voir les premiers riiéteurs, n'a pas été leur disciple. Il n'a point fait sa rhétorique. C'est encore un poète, un con- teur, à qui manque la rude discipline de Técole.

Son heureux génie trouvait dans les récits un emploi mieux approprié. Sans doute, si Ton demande avant tout à un récit historique la rigueur de la composition, la pro- portion exacte des parties, l'analyse profonde des causes, la suite rapide des efl*ets, le pathétique sévère et drama- tique qui résulte à la fois de la force des détails et du mouvement de Tensemble, c'est à Thucydide qu'il faut s'adresser. De même qu'Hérodote ne sait pas construire une période, il ne sait pas toujours non plus subordon- ner, dans le tableau des faits, l'accessoire àTcssentiel, ou négliger de parti pris ce qui n'est que divertissant. Il se laisse mener par sa curiosité vive, mobile, capricieuse, souvent plus semblable à celle d'un enfant qu'à celle d'un philosophe ou d'un savant. Il n'a pas encore l'art des simpliGcations résolues. Mais si l'on consent à se lais- ser charmer par des qualités plus aimables et moins puissantes, on trouvera chez Hérodote une foule de nar- rations qui sont des chefs-d'œuvre : et d'abord, tous ces petits récits courts, anecdotiques et romanesques, dont son livre fourmille. Qu'on prenne l'un d'eux au hasard : par exemple ce joli conte par lequel Hérodote prétend ex- pliquer pourquoi Darius voulut soumettre les Péoniens *. C'est une légende populaire, saisie au vol, avec des tours de phrase à la Perrault, et, sur une donnée naïvement rusée, un mouvement de récit doux, gracieux, un peu traînant :

1. V, 12-14,

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