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624 CHAPITRE X. — HÉRODOTE

Il y avait une fois deux Péoniens, Pigrôs et Mantyès, qui, après le retour de Darius en Asie, voulant devenir rois de Péonie, vinrent à Sardes, amenant avec eux leur sœur qui était grande et belle. Ayant observé le moment où Darius ve- nait siéger comme juge dans le faubourg, ils firent la chose suivante. Ils parèrent leur sœur de leur mieux, puis l'en- voyèrent à la rivière avec un vase sur la tête, le bras passé dans le licol d'un cheval qu'elle conduisait, et filant sa que- nouille. En passant devant Darius, elle attira son attention; car ni en Perse, ni en Lydie, les femmes ne faisaient de la sorte, non plus qu'en aucun autre lieu de l'Asie. Le roi donc, l'ayant remarquée, envoya quelques-uns de ses gardes pour observer ce qu'elle ferait du (fheval. Les gardes la suivirent. Elle, arrivée au bord de l'eau, abreuva d'abord le cheval, puis, quand il eut bu, remplit d*eau son vase, et reprit enfin sa route, ayant toujours le vase sur la tête, la bride du che- val à son bras et sa quenouille à la main. Darius, étonné du rapport des gardes et de ce qu'il avait vu lui-même, commanda qu'on l'amenât en sa présence. Quand elle eut été amenée, ses frères, qui avaient tout observé à quelque distance, s'appro- chèrent incontinent. Et comme Darius demandait le nom de son pays, les jeunes gens répondirent qu'ils étaient Péoniens et qu'elle était leur sœur. Le roi voulut alors savoir quelle sorte d'honunes étaientles Péoniens, où ils vivaient, et pour- quoi ceux-ci étaient venus à Sardes. Ils répondirent qu'ils étaient venus pour se donner à lui; que, pour la Péonie, c'é- tait un pays avec des villes, sur le bord du Strymon; que le Strymon était voisin de rilellespont, et qu'ils descendaient des Teucriens de Troie. Ils dirent tout cela en détail, et le roi de- manda si tontes les femmes de chez eux étaient aussi travail- leuses que leur sœur. Ils s'empressèrent de répondre affirma- tivement; car c'était justement pour cela qu'ils avaient tout conduit de la sorte. Aussitôt Darius envoya des ordres à Mé- gabaze, qu'il avait laissé en Thraceà la tète des troupes, pour lui enjoindre d'expulser les Péoniens de leur pays et de les lui envoyer avec leurs femmes et leurs enfants.

��S'il s'agit encore de tracer un tableau vaste, mais plutôt pittoresque et amusant dans le détail que forte- ment composé, l'imagination d'Hérodote y excelle. Par

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