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100 CHAPITRE IV. — LA TRAGÉDIE ET SES LOIS

maient aux yeux des Grecs une sorte «d'histoire sainte », qui tenait sans doute intimement à l'histoire profane, mais qui pourtant ne se confondait pas avec elle. Cette histoire était pleine de dieux. C'étaient les flls des Immor- tels qui en étaient les acteurs : eux-mêmes, ils y interve- naient sans cesse. En la mettant sur la scène, on leur rendait honneur, on faisait acte de religion. Cela était senti d'instinct et par tout le monde. A défaut de prescrip- tion expresse, une sorte de convenance tacite maintenait la tradition.

Outre leur valeur religieuse, ces légendes avaient d'ailleurs pour les Grecs un vif et profond intérêt, à la fois humain et national. Homère les leur avait rendues vraiment chères \ Les héros dont elles parlaient étaient les types mêmes de l'humanité telle qu'ils la concevaient. En eux, ils retrouvaient leurs idées, leurs sentiments, toute leur vie morale. Par la variété des aventures, parla grandeur des catastrophes, parla violence des pas- sions, la légende héroïque offrait au drame une merveil- leuse matière. Elle avait pour domaine un temps fictif, antérieur à toute législation, temps où la vieétait orageuse, le devoir difficile et obscur, où les supériorités indivi- duelles éclataient vivement, où les amours, les haines, les dévouements, les hontes, les fureurs, les vengeances s'exaltaient prodigieusement. Une telle humanité était une humanité plus ^iss^ante^et plus souffrante. Bien qu'ancienne, elle tenait au présent. On reconnaissait en elle le fond qu'on distinguait encore en soi-même, sous r^g^\sement de la civilisation. De plus, ces héros, pour les Grecs, étaient des êtres réels et des ancêtres. Si le V détail de leur histoire était incertain et livjcé à la j)oésie, le fait même de leur existence ne Tétait pas. On honorait

��1. Platon, Républ. X, l : "Eoixe ykp twv xaXâv àîcdtVTwv toutwv tôv xpaYixwv TCpûTo; ôtSierxaXô; rs xa\ f,Y£jji(i)v Ysvéffôai.

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