Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/138

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qu'à un certain point dans la combinaison des effets dramatiques. Mais qui pourrait entreprendre de ramener de tels arrangements à des règles générales? Là où l'appréciation personnelle a dû avoir tant de liberté, tout énoncé de lois serait une erreur.


IV


La progression dramatique implique à la fois variété et unité. Sans variété, la pièce n'avancerait^ pas ; sans unité, elle irait çà et là, au lieu de marcher vers un terme. En quoi consistait pour les Grecs cette unité fondamentale et nécessaire?

Il est clair qu'étant donnée l'origine de leur tragédie, ils ont dû rencontrer dès le début ce qu'on nomme unité d'intérêt, sans même le chercher. Un genre de drame qui naît directement de la chronique, comme le drame historique de Shakespeare par exemple, est d'abord en présence de la complexité des choses, d'où il ne peut dégager l'unité intime que peu à peu, par le progrès de l'art. Pour la tragédie grecque, il n'en fut pas ainsi. Issue du dithyrambe, elle dut être, comme lui, dès ses débuts, le développement lyrique d'un motif donné. De là un principe profond d'unité, qui créa sa constitution primitive et qui la maintint ensuite en ce qu'elle avait d'essentiel. Mais d'autre part, comme les Grecs n'avaient pas de modèles étrangers devant eux, comme ils n'obéissaient qu'à eux-mêmes, ils prirent de bonne heure, tout en respectant ce principe, l'habitude de l'interpréter librement, et ils la gardèrent. Nous avons vu que la tétralogie liée naquit probablement de l'extension progressive du drame primitif, qui finit par embrasser plusieurs sujets connexes. Dans la période mal connue où ce fait curieux se produisit, il est clair que l'unité d'intérêt tendait à se