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128 CHAPITRE IV. — LA TRAGÉDIE ET SES LOIS

rement, c'est la manière de faire d'Euripide. Chez ce poète, l'unité au liou de pénétrer profondément chaque détail de la pièce, en domine seulement l'ensemble ; mais les parties ont une tendance manifeste à s'afl^m;hir do cette domination et à se faire admirer pour efies^môriies. Aristote atteste que cette façon de composer était devenue assez ordinaire au iv® siècle, puisqu'il la reproche à de bons poètes non moins qu'aux médiocres : « J'appelle » fable épisodique, dit-il, celle dans laquelle les épiso- » des se suivent sans que leur succession résulte, ni^e » la vraisemblance ni de la nécessité. Les mauvais poè- » tes font des pièces de ce genre parce qu'ils sont mau- » vais poètes, les bons en font à cause des acteurs^ » Les deux explications ainsi alléguées ont leur valeur, mais on peut douter qu'elles soient suffisantes. La tra- gédie grecque était partie de l'unité et elle avait toujours cherché la variété. Le premier effet de cette tendance fut de créer la tétralogie liée, le second fut de la rompre, le troisièïne fut de compliquer la tragédie indépendante, le quatrième de la réduire parfois à une succession d'épisodes faiblement liés. En somme, il y eut là un mou- vement toujours identique à lui-même, dont la continuité est frappante. Certains poètes Pont précipité, d'autres l'ont ralenti, aucun ne l'a jamais arrêté. Ce qu'il faut re- tenir dans l'ensemble, c'est que l'unité d'intérêt, dans la tragédie, n'a jamais été aux yeux des Grecs une loi qui eût sa formule définitive. L'habitude en avait fait pour eux une notion très forte, mais vivante et par consé- quent changeante. On peut dire qu'elle prenait une va- leur nouvelle aux Grandes Dionysies de chaque année.

A cette unité intime, ils en ont ajouté deux autres, qu'on peut appeler extérieures, l'unité de lieu et l'unité de temps. Ici encore, il importe de serrer de près leur

1. Aristote, Poétique, c. 9.

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