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130 CHAPITRE IV. — LA TRAGÉDIE ET SES LOIS

qui Gt voir les choses absentes. Gela ne contribua pas médiocrement à empêcher la tragédie grecque de jamais s'attacher de très près à la réalité pittoresque et sen- sible.

Il semble que l'unité de temps, entendue au sens ri- goureux qui fixe à un jour la durée de raction, ne fût pas moins nécessaire à la tragédie grecque que Tunité de lieu, et qu'elle le fût pour les mêmes raisons. Toute- fois il y a lieu de faire ici une distinction. L'aspect des lieux frappe notre vue, tandis que c'est l'esprit seul qui juge du temps. De là une facilité remarquable pour le poète d'attribuer à la durée des choses une valeur arbitraire. Ce qui l'augmentait encore en Grèce, c'était le mélange du lyrisme au drame proprement dit. Un dialogue tragique en effet mesure le temps avec une certaine exactitude, parce qu'il ressemble à un dialogue ordinaire ; le chant d'un chœur ne le mesure pas, parce qu'il appartient à la pure convention. Cela mit les poètes grecs fort à leur aise. Ils eurent l'air de respecter l'unité de temps, parce que les différents actes de leurs pièces se succédaient sans discontinuité apparente; mais, en fait, il y eut entre ces actes des espaces de temps absolument arbitraires, que les stasima remplissaient sans les mesurer. On pourrait dire, pour bien faire comprendre cette convention très particulière, qu'ils disposaient de deux sortes de durée, Tune réelle, dans les épisodes, l'autre tout idéale, pendant les stasima. C'est ainsi par exemple que, pendant le pre- mier sieisimonàe ï A gamemnon,V armée argienne revient de TroieàArgos,bienquedansle palais, pendant le même chant, il ne se passe rien que de très rapide. Il est visible que là le même temps apparent n'a pas la même valeur pour les divers acteurs de la pièce, ce qui revient à dire qu'entre les deux épisodes la notion même du temps est comme suspendue. On trouve des exemples analogues dans les Suppliantes, dans les Sept, dans les Perses, dans

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