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132 CHAPITRE IV. — LA TRAGÉDIE ET SES LOIS

n'agit pas K La vérité est que le rôle du chœur a varié sans cesse, et qu'aucune formule par suite ne peut en rendre compte exactement. Les différentes phases de cette variation seront mieux caractérisées plus tard, lors- que nous étudierons successivement la conception drama- tique propre à chacun des maîtres de la tragédie. Quant à la raison qui explique ce déclin uniforme et constant du chœur, elle est évidente. Le principe d'action qui était dans la tragédie se dégageant de plus en plus, il fallut de toute nécessité qu'elle sacrifiât ceux de ses éléments qui étaient impropres à Taction. Le chœur fut condamné par là même. S'il se défendit jusqu'à la fin de la période classique, il dut celte force de résistance, qui n'était pas en lui-même, à la tradition d'une part et à l'art des .maî- tres d'autre part.

Sauf de très rares exceptions, dont la plus notable nous est offerte par les Euménides d'Eschyle, le chœur tragi- que se compose de personnes d'un rang inférieur^. Ce que nous avons dit plus haut de son histoire suffit à rendre raison de ce fait. Par suite, il est en général prudent et respectueux. Mais il n'est pas nécessairement juste ni clairvoyant : loin de là. Il peut avoir les préjugés des foules, leurs prompts enthousiasmes, leurs décourage- ments ; et cela même est une qualité dramatique. Toute- fois on ne saurait dire que ce soit une foule à proprement parler. A travers tous les changements, il conserve une conscience obscure, mais indéniable, de son rôle reli- gieux, et, plus que les héros, il regarde instinctivement vers les dieux. De là, ce fond de sagesse traditionnelle qui apparaît si souvent dans son langage. Une véritable foule serait plus aveugle, plus capricieuse, plus brutale. Il y a en lui quelque chose de sacré qui en définitive oriente toujours son âme vers la piété.

1. Problèmes» XIX, 48: KrjSevTYi; ctTcpaxtoç.

2. Aristote, Problèmes^ XIX, 48.

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