Aller au contenu

Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

134 CHAPITRE IV. — LA TRAGÉDIE ET SES LOIS

aiment à créer un contraste entre le chœur et le protago- niste; contraste qui peut varier d'intensité, depuis l'anta- gonisme franc jusqu'à une simple inégalité de force mo- rale. Dans Agamemnon^ les vieillards défendent le droit contre Clytemnestre; à un moment même, ils tirent Fépée. Dans les Sept, l'ejfroi des femmes de Thèbes fait ressor- tir le courage somBre et exalté de Polynîce. Dans Pro- méihée, la grâce timide des Océanides est heureusement opposée à la hauteur provocante du Titan. Sophocle atté- nue en général ces contrastes, mais il se garde bien de les délaisser. Il aime à composer ses chœurs de façon que le profïTgonistc trouve en eux une certaine contra- diction, qui n'exclut ni la sympathie, ni la pitié, ni même en certains cas le respect et Taffection. Cela leur donne une personnalité qui a toujours sa valeur et dont nous parlerons ailleurs plus en détail. Euripide met un art moins délicat dans ses choix. Chez lui, c'est surtout la qualité du protagoniste qui détermine la nature du chœur, ou encore c'est une raison d'utilité dramatique. D'ailleurs, comme il ne leur demande rien de très personnel, il n'a pas besoin qu'ils aient un caractère très particulier. Leschoeurs de jeunes filles et les chœurs de vieillards sont ceux qu'il préfère. Les uns et les autres se prêtent à ces chants gra- cieux ou méditatifs qui lui conviennent ; dociles au caprice du poète, ils décrivent ses brillantes visions ou ils inter- prètent sa pensée; s'il leur donnait une individualité plus prononcée, ils seraient moins aptes à parler en son nom. Les sujets de la tragédie grecque étant empruntés à la légende héroïque, la plupart de ses personnages sont des héros ; ce qui revient à dire qu'ils appartiennent par convention à une sorte d'humanité supérieure. Celte su- périorité, très accusée chez Eschyle par la pompe du langage, a été sans cesse en déclinant, mais elle n'a ja- mais disparu. En quoi consiste-t-elle au juste ?Un héros de tragédie, selon les idées des Grecs, était capable de

�� �