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LES PERSONNAGES 135

toutes les passions et de toutes les souffrances dont les hommes ordinaires sont capables. Il raisonnait comme eux, faisait les mêmes calculs, se trompait comme ils se trompent et s'affligeait comme ils s'affligent. Différent du héros épique, il n'était pas, comme celui-ci, en posses- sion d'une force surnaturelle, et par conséquent il n'ac- complissait pas d'exploits merveilleux. Seul peut-être, Héraclès restait en dehors de cette règle. Mais les Aga- memnon, les Ajax, les Ulysse, combattants surhumains dans Tépopée, n'étaient plus au théâtre que de vaillants guerriers sans aucun privilège exceptionnel de vigueur ni d'adresse. Leur prééminence était donc purement morale. Elle se réduisait à une certaine majesté de lan- gage et d'extérieur, qui répondait à peu près à l'idée que le peuple grec se faisait d'un roi. La pompe orientale de la monarchie perse, vaguement entrevue par l'imagination populaire, fut probablement pour quelque chose dans cette conception, assez naïve au fond. Une pensée religieuse s'y mêla. S'il est vrai qu'Eschyle emprunta aux pompes d'Eleusis la splendeur hiératique des vêtements, on peut admettre qu'en cela il ne fit que traduire heureusement les impressions obscures de la foule. Celle-ci, d'instinct, identifiait plus ou moins les vieilles légendes tragiques aux choses saintes qu'on pouvait voir dans les mystères. Elle trouvait bon et convenable que les princes homéri- ques eussent Pair d'in^ophantes , puisqu'ils racon- taient et représentaient ce qui s iStait passé en des temps divins. A mesure que la naïveté croyante se perdit, cette conception dut se modifier insensiblement. A l'idéal hié- ratique et royal des premiers temps, succéda un idéal plutôt aristocratique. On vit sur la scène de jeunes hé- ros qui ressemblaient aux fils des grandes familles athé- niennes. Mais, tout en rendant de jour en jour la ma- jesté des rois de théâtre moins pompeuse, les poètes ne la supprimèrent jamais complètement. La tradition fut

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