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136 CHAPITRE IV. — LA TRAGÉDIE ET SES LOIS

assez forte pour lutter même contre l'influence de la co- médie, qui, en s'élevant, attirait à elle la tragédie et rînvitait à s'abaisser. Il demeura toujours admis en prin- cipe qu'un héros de tragédie ne devait pas s'occuper sur la scène de trop petites choses. Une sorte de convenance spéciale s'imposait à ses pensées et à ses sentiments. 11 eût été ridicule qu'un acteur si magnifiquement vêtu eût les mêmes soucis qu'un Pasîon ou un Déméas.

Ces grands personnages de la scène donnèrent le ton aux petites gens qui les entouraient. Il y eut dans la tragédie des serviteurs, des messagers, des gardes, des nourrices, des pédagogues, sorte de plèbe associée à la majesté de ses maîtres, bien qu'à un degré inférieur. L'observation de ces différences, dans une certaine uni- formité générale, est une des choses où l'art des poètes grecs révèle le mieux sa délicatesse. Tous, avec des pro- cédés différents, se sont étudiés à marquer la distance entre les personnages royaux et les subalternes : moins, il est vrai, dans le langage même que dans les sentiments et les pensées. Mais tous, d'autre part, ont senti qu'un serviteur de tragédie devait différer grandement d'un esclave de comédie. Kon seulement tout ce(^i en eux aurait pu prêter à rire lut écarté résolument, mais aussi tout ce qui aurait faitiache dans la couleur générale du tableau^ Voilà pourquoi leur naïveté, leurs craintes, leur verbiage, lorsque le poète jugeait à propos de les indi- quer, ne furent jamais notés par lui qu'avec discrétion, de façon à provoquer tout au plus le sourire des specta- teurs ; et encore à ce sourire se mêla le plus souvent quelque attendrissement. On voulait bien faire sentir que c'étaient là de petites gens, des faibles et des humbles, mais les humbles d'une société tout idéale, fort diffé- rents en somme du bas peuple qui fréquentait le Pirée ou l'agora.

Entre ces personnages subalternes, les plus dignes

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