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LYRISME TRAGIQTJE 147

do cet enlacement. Cela peut avoir lieu dans tous les chants du chœur, mais bien plus souvent dans les dialo- gues lyriques où le chœur s'entretient avec un ou plu- sieurs personnages. Le poète en effet disposait alors d'é- léments divers qu'il lui était facile do combiner : les chants du chœur àTunisson, les récitatifs du coryphée ou de quelques choreutes choisis, les solos d'un des ac- teurs, enfin les phrases simplement parlées qu'il insérait entre des morceaux de chant. A l'aide de ces parties très nettement caractérisées, il était en état de constituer des groupes symétriques, dont la correspondance exacte frap- pait immédiatement les oreilles et les yeux du public, et il pouvait encadrer ces groupes les uns dans les autres sans confusion. Certains dialogues chantés d'Eschyle sont ainsi de véritables chefs-d'œuvre d'architecture ly- rique, dont l'effet malheureusement est à peu près perdu pour le lecteur moderne dans les meilleures tra- ductions.

Toutefois, sous ces combinaisons infinies, le lyrisme tragique n'aurait pas eu encore assez de variété pour suf- fire complètement à sa destination. Toute symétrie, si li- bre qu'elle soit, est une chaîne, et il y a des mouvements de l'âme si brusques, si changeants, si contradictoires qu'ils ont besoin d'une entière liberté. Ce fut pour les traduire qu'on eut recours de bonne heure aux mètres libres (à7ro>.e>.u[jL£va), affranchis de toute régularité anti- strophique. Là, léchant, partant d'un rythme fondamen- tal, pouvait s'en écarter ou s'en rapprocher librement, se perdre en mille détours, tantôt s'attarder et tantôt se pré- cipiter, en un mot suivre à son gré les fluctuations infi- nies du sentiment. Cette forme libre fut par excellence celle des monodies^ qui apparaissent déjà chez Eschyle, qui furent employées discrètement par Sophocle, mais qui, autour de lui, entre les mains d'Euripide et de ses contemporains, devinrent un des éléments nécessaires

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