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ripide. Le premier est le plus grand des trois. Plus notre siècle a étudié de près le génie d’Eschyle, plus sa supériorité s’est révélée. Entre tous les poètes créateurs, il n’en est aucun peut-être qui l’ait été avec autant de puissance et d’autorité. Celui-ci a mis son âme dans la tragédie grecque et il lui a imposé la forme même de son esprit[1].

Eschyle, fils d’Euphorion, naquit à Éleusis, près d’Athènes, vers l’an 525 avant J.-C.[2]. Issu d’une famille d’Eupatrides, il vit le jour dans le dème le plus imbu de religion et le plus sacerdotal de l’Attique, près du sanctuaire vénéré des grandes déesses, foyer des mystères. Dans ce milieu, une nature généreuse et profonde devait s’imprégner de sentiments religieux et patriotiques. L’hérédité mit en Eschyle la hauteur aristocratique de l’esprit et du caractère ; l’influence locale d’Éleusis y développa le sens et le goût des vérités divines, l’habitude de rapporter aux dieux les choses humaines, une piété grave, quelque chose d’antique que rien ne put jamais entamer. La poésie germa en son âme, — comme autrefois le froment était né du sol de Thria, — sous le regard bienveillant de Déméter et dans le sillon qu’elle avait tracé[3]

Tout ce que nous savons de sa vie est simple et grand. Sur son enfance et sa jeunesse, rien que des légendes :

  1. Pour l’appréciation générale du caractère et du génie d’Eschyle, on relira toujours avec fruit les pages que Patin a écrites sur ce sujet dans le tome Ier de ses Études sur les Tragiques grecs. Cet ouvrage, malgré les progrès qui ont été faits dans la connaissance de la tragédie grecque depuis sa publication, mérite de rester classique par la fermeté délicate du jugement.
  2. Les sources de la vie d’Eschyle sont surtout : une Vie anonyme, qu’on trouvera dans la plupart des éditions de ses œuvres ; la notice de Suidas, Αἰσχύλος ; les indications du marbre de Paros. Les témoignages anciens relatifs à la vie et aux œuvres d’Eschyle ont été réunis par Fr. Schoell dans l’édition des Sept contre Thèbes donnée par Ritschl, Leipzig, 1875.
  3. Aristoph., Grenouilles, 886 : Δήμητερ, ἡ θρέψασα τὴν ἐμὴν φρένα, — εἶναί με τῶν σῶν ἄξιον μυστηρίων. C’est Eschyle qui est censé parler ici.