Aller au contenu

Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il s’endort dans la vigne de son père, et Dionysos lui révèle en songe qu’il est poète. En réalité, si nous ignorons quels furent les maîtres qui contribuèrent à l’essor de son génie, nous pouvons du moins deviner avec certitude ce qu’il apprit d’eux. Comme faits, tout ce que les poètes nationaux avaient raconté ; comme art, la musique sous ses trois formes, musique des vers dans les récits de l’épopée et dans les chants lyriques, musique de la voix et des instruments par l’usage de la cithare, musique des pas dans l’orchestique traditionnelle des chœurs d’enfants ou de jeunes gens. Les rythmes doriens, la mélodie grave et pure des vieux maîtres, la grandeur naïve d’Homère et la splendeur du lyrisme, voilà les impressions profondes de sa jeunesse, qui mirent en lui l’empreinte première et définitive.

Très jeune, il est séduit par l’éclat des concours tragiques[1]. Si faible que fût encore l’élément dramatique dans la tragédie naissante, la puissance de l’art nouveau se révélait déjà. La seule pensée de ces beaux spectacles devait saisir et transporter cet esprit débordant de poésie, qu’un instinct créateur sollicitait. De vingt-cinq à trente-cinq ans environ, acteur et poète à la fois, il rivalise avec les successeurs de Thespis, avec Chœrilos, Pratinas et Phrynichos, cherchant sa voie. Période d’activité féconde, de progrès incessants, de réflexions et d’essais, malheureusement dénuée pour nous de témoignages[2].

Au milieu de ces succès, surviennent les guerres médiques. À deux reprises, contre Darius d’abord, en 490, puis contre Xerxès, de 480 à 479, la Grèce doit défendre son indépendance. Beaucoup de peuples grecs hésitent ; mais Athènes et Sparte font leur devoir héroïquement,

  1. Vie : Νέος ἤρξατο τῶν τραγῳδιῶν.
  2. D’après le marbre de Paros, sa première victoire dans un concours tragique eut lieu en 485. C’est vers ce temps sans doute que son art prend sa forme propre et qu’il établit son autorité.