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et leur courage assure la victoire. Eschyle est partout où l’on combat. Il y est, peut-être avec ses frères, au milieu des hommes du dème d’Éleusis. Marathon et Salamine resteront, dans son extrême vieillesse, les deux souvenirs de sa vie. Il rappellera le premier dans son épitaphe, laissant à sa tragédie des Perses le soin de conserver l’autre.

Il n’est pas douteux que ces grands événements, en remuant, comme ils le firent, l’âme nationale, n’aient imprimé à celle du poète un élan vigoureux. D’ailleurs, c’était aussi le temps où, en pleine maturité, il devenait complètement maître de son art. Huit ans après Salamine, peut-être au retour d’une expédition en Thrace où il avait servi sous les ordres de Cimon, il fit représenter les Perses (472). Il était alors vraiment le maître de la scène. Ses premiers rivaux, Chœrilos, Pratinas, Phrynichos, disparaissaient l’un après l’autre. Sophocle n’était encore qu’un adolescent. Le grand poète, représentant incontesté de la gloire nationale, obtenait de la bonne volonté des magistrats et de l’empressement des chorèges tout ce qu’il voulait : il dut en profiter pour donner à la tragédie la pompe qui répondait à son idéal. Déjà son renom ne se confinait plus dans Athènes. Comme Pindare et Simonide, il était invité par Hiéron à la cour brillante de Syracuse. Et à partir de ce temps, la Sicile devenait pour lui presque une seconde patrie. Toutefois Athènes restait toujours le théâtre de ses grands succès. En 467, il y remportait le prix au concours tragique avec sa tétralogie thébaine. Peu après sans doute, il y faisait jouer sa Lycurgie. En 458 enfin, il y était vainqueur pour la dernière fois avec l’Orestie. Retiré ensuite en Sicile, il y mourait à Gela en 456[1]. Il laissait deux fils, Euphorion

  1. Légendes relatives à sa mort dans la Vie anonyme, dans Suidas, etc.