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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/181

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qu’aimé. Ce qu’elle lui avait refusé en fait de bonne grâce, de douceur et d’agrément, elle le lui rendit en force d’âme et en puissance d’imagination.

Avec ces qualités, il était le représentant prédestiné de la génération qui fit alors la gloire d’Athènes. Contemporain de Cimon et d’Aristide, l’instinct de la grandeur lui est aussi naturel qu’à eux. Son âme est pleine de foi, sa morale est toute faite de principes. Mais avec le respect religieux du passé, il a un élan de cœur et d’imagination qui est admirable. Il personnifie la vieille Attique, mais au moment où elle se transforme.

II

L’œuvre d’Eschyle comprenait environ quatre-vingts pièces (tragédies ou drames satyriques[1]). De cette collection, sept tragédies seulement subsistent, avec un bon nombre de fragments.

C’est en embrassant d’un coup d’œil ce large ensemble qu’on peut tout d’abord se faire une idée du génie qui l’a conçu et réalisé. Une si longue série de tragédies devait offrir l’aspect d’une sorte de cycle, où toutes les grandes parties de la légende étaient représentées. La théogonie, la légende de Bacchus, l’expédition des Argonautes, les traditions thébaines et argiennes, et enfin la guerre de Troie y formaient comme autant de groupes principaux, complétés par des groupes secondaires. Ignorant aujourd’hui les sujets précis d’un certain nombre de pièces perdues, nous ne pouvons nous représenter qu’impar-

  1. Selon la Vie anonyme, soixante-dix tragédies et cinq drames satyriques ; selon Suidas, quatre-vingt-dix tragédies. Le catalogue du Mediceus (Eschyle de Dindorf, en tête du tome II) contient soixante-treize titres ; mais il est incomplet. En outre, il est souvent impossible de décider si une même pièce n’est pas citée sous plusieurs titres ; de là, l’incertitude.