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Voilà l’œuvre d’Eschyle dans son ensemble, telle qu’elle nous apparaît aujourd’hui à travers des incertitudes inévitables. Ajoutons, pour compléter ceci, qu’en plus de ses tragédies, il avait composé aussi quelques poésies lyriques de circonstance, élégies ou simples épigrammes, dont il ne subsiste que bien peu de chose[1]. L’inscription en vers élégiaques, qui fut mise sur son tombeau à Gela, avait été faite, dit-on, par lui-même : il y parlait avec sa hauteur d’âme naturelle, en soldat et en citoyen, oubliant sa gloire de poète, ou plutôt se fiant à la postérité du soin d’en garder le souvenir :

Eschyle d’Athènes, fils d’Euphorion, est ici couché sans vie sous ce monument, dans la terre féconde de Géla. S’il combattit vaillamment, le bois sacré de Marathon pourrait le dire et aussi le Mède chevelu, qui en a fait l’épreuve.

III

Toutes les conceptions dramatiques d’Eschyle reposent sur un certain nombre d’idées religieuses et philosophiques. Les actions qu’il expose sur la scène sont gouvernées par des forces divines et accomplies par des passions humaines. Que pense-t-il des dieux ? Quelle opinion a-t-il de l’homme ?

Disons-le tout d’abord : si nous réservons le nom de philosophe à celui qui cherche, en dehors de toute tradition, avec pleine hardiesse et pleine liberté, l’explication de l’homme et de l’univers, Eschyle n’est point philosophe. Les grands penseurs du VIe siècle et du commencement du Ve sont Pythagore, Xénophane, Parménide, Héraclite ; Eschyle ne semble pas les connaître, et, en tout cas, sa façon de penser n’a rien de commun avec la leur. Eux, ils se placent directement en face du monde,

  1. Bergk, Poet. lyr. Græci, II, p. 240.