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SES IDÉES PHILOSOPHIQUES 181

et, sans se ^soucier des traditions mythologiques ni des^ récits des poètes, ils cherchent à Tinterpréter : ce sont des mathématiciens, des physiciens, des esprits que la vérité seule attire et que rien n'arrête. Lui, au contraire, est étranger à cette sorte de curiosité. Nourri dès Ten- fance de poésie épique et lyrique, il n'aperçoit la réalité des choses qu'au travers des fictions où cette poésie s'est complu. Les vieilles croyances sont tellement assises dans son imagination qu'aucune influence du dehors n'est capable de les y ébranler. Les philosophes que nous venons de nommer ont été en Grèce les initiateurs d'un temps nouveau; Eschyle, par ses doctrines fonda- mentales, est plutôt le dernier représentant de l'âge my- thologique K

Et toutefois son intelligence, vigoureuse et réfléchie, ne pouvait s'enfermer dans la simple croyance. La poésie lyrique, dont il était l'héritier, avait été sans doute une poésie essentiellement religieuse, mais cette religion avait perdu dans les derniers temps sa naïveté d'autre- fois. Fidèle en apparence aux anciens mythes, elle les avait interprétés, de façon à en tirer une véritable théo- logie. Eschyle, comme Stésichore, comme Théognis et Solon, comme Simonide et Pindare surtout, est un théo- logien en même temps qu'un poète. Cela signifie qu'il veut trouver dans les vieux récits légendaires la matière d'une doctrine sur la destinée humaine et sur le gou- vernement do l'univers. Si le domaine de sa pensée est limité, du moins contient-il quelques grandes choses qui le préoccupent incessamment. Autant que nous pouvons en juger, c'est à lui que revient le mérite de les avoir portées sur la scène. Les premiers poètes tragiques, Thespis et ses successeurs immédiats, ont bien pu énoncer

1". Sur la philosophie d'Eschyle, lire les quelques pages de Zeller, Philosophie der Griechen (S» éd.), 11. I, p. 5, et surtout le livre III du Sentiment religieux en Grèce de Mo Jules Girard.

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