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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/195

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considérait jamais ces antiques croyances en elles-mêmes, avec l’esprit critique d’un Euripide par exemple. Il les voyait apparaître devant lui dans des situations dramatiques- que la légende lui fournissait, et c’était dans sa sympathie de poète pour ses personnages qu’elles le touchaient. L’analyse, qui est la lumière de l’esprit philosophique, était étrangère à son génie. Des images, des formules dramatiques, c’en était assez pour satisfaire son jugement en dominant son imagination. Voilà comment il affirme la fatalité avec la foi profonde d’un voyant, chaque fois que l’occasion s’en présente. Tous ses personnages y croient d’instinct et pleinement, ils la sentent en eux et au-dessus d’eux, dans leur conscience et sur leur tête. Mais résulte-t-il de là qu’à leurs propres yeux et au jugement du poète, la puissance arbitraire des dieux ou la liberté humaine soit diminuée en quoi que ce soit ? En aucune façon. Ce sont d’autres faits, tout aussi réels que le premier, et qui s’affirment dans le drame d’une manière non moins éclatante. Gardons-nous d’imaginer pour lui et de lui attribuer quelque théorie générale qui concilierait ces idées en apparence contradictoires. Il est possible que cette contradiction ne soit pas insoluble ; mais s’il y a une conciliation métaphysique, à coup sûr le poète ne s’en est pas soucié. Pour lui, il n’y a que des cas particuliers, et dans chacun de ces cas, si l’on y regarde de près, une manière de se représenter les choses qui dissimule le problème au lieu de le résoudre. Dans Prométhée par exemple, la puissance suprême de la fatalité est mise résolument au-dessus de tout * ; mais il suffit pour le poète qu’elle triomphe à la fin de la tétralogie par la réconciliation des deux ennemis, et en attendant les passions rivales de Zeus et de Prométhée peuvent éclater librement, sans que sa croyance ou celle

1. Prométhée, 105 : Tb tt^ç àvaYXT); ïa’z’ àÔripiTOv aôévo;. Cf. 530 et suiv.