SES IDÉES PHILOSOPHIQUES 187
cette conception est une des plus frappantes de son théâ- tre, c'est plutôt peut-être par la beauté des pièces où elle se manifeste que par leur nombre. Quatre des tragédies qui sont venues jusqu'à nous, les Sept, Agamemnon^ les Choéphores^ les Euménides la révèlent avec éclat. Mais, parmi les tragédies perdues, quelques-unes seule- ment, semble-t-il, pouvaient être rattachées à la même pensée théologique. Ici encore, nous avons affaire à une vieille idée: les enfants expient les crimes de leurs pères; c'était déjà le sentiment d'Hésiode, et c'est celui de tous les poètes prédécesseurs d'Eschyle. Cette idée, Eschyle ne l'a pas plus renouvelée en elle-même qu'aucune autre du même genre, mais il en a dégagé merveilleusement la va- leur dramatique et il Ta rendue plus présente aux es- prits, soit en la faisant apparaître tout à coup comme une lumière sinistre pour éclairer d'affreuses situations, soit en l'éveillant, au moment des crises pathétiques, comme un pressentiment de mort dans l'âme des victimes dési- gnées. Quand le cadavre d'Agamemnon est apporté san- glant sur la scène, Egisthe, le meurtrier, rappelle aux spectateurs épouvantés comment son père, Thyeste, a voué jadis à la mort toute la race de Plisthène. Et lors- que Etéocle, dans les Sept^ sort pour aller au combat, en proie à une sorte d'exaltalion délirante, il se sent poussé, comme il le dit lui-même, « par le vent fatal de la haine qu'Apollon a vouée à la race de Laïos ». Presque toujours, cette hérédité du crime est associée à une malé- diction ancienne (ap^c), dont Eschyle, avec sa très grande force de transOguration, fait une puissance vivante et passionnée. Il montre ainsi le passé dans le présent, à la fois en théologien et en poêle, et, dans le descendant maudit, il évoque dramatiquement l'âme de Tancêtre, criminelle et condamnée.
Il est bien entendu d'ailleurs qu'aux yeux d'Eschyle comme de ses contemporains, ce que nous nommons ici
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