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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/206

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expositions[1]. Cela est très injuste, sans être faux. La situation en elle-même n’est jamais obscure ; Eschyle excelle au contraire à la définir brièvement et fortement. Ce qui est obscur, c’est ce que la puissance des dieux ou ce que les décrets de la nécessité tiennent en réserve. Encore sent-on immédiatement qu’ils tiennent quelque chose en réserve, et de là l’effroi ou la sympathie.

Une fois l’action engagée, cette obscurité voulue se dissipe de scène en scène, et la conception générale s’éclaircit progressivement. Tout, même les épisodes, sert de la manière la plus frappante l’intention philosophique du poète. — Dans les Perses, que veut-il ? glorifier la Grèce sans doute, mais surtout montrer dans la défaite de Xerxès la chute nécessaire de l’orgueil humain. De ce point de vue dépend toute la structure du drame. Au début, toutes les raisons humaines d’espérer, mais, sous cet espoir, une inquiétude religieuse : c’est ce que développent et les chants du chœur et son entretien avec Atossa. Arrive le messager ; son récit est une révélation : c’est un dieu qui a écrasé la puissance des Perses. Alors Atossa et les Fidèles invoquent Darius mort, et Darius apparaît. Il est l’interprète des dieux pour le présent, et leur prophète pour l’avenir. Il rentre dans le tombeau, et les lamentations finales du chœur et de Xerxès nous mettent sous les yeux le spectacle même de la déchéance royale, l’orgueil humain abaissé, l’homme sous la main de Dieu. — En composant les Sept, ce qui a le plus frappé le poète, c’est la puissance de la double malédiction, l’une héréditaire, l’autre récente, qui pèse sur les fils d’Œdipe. Son drame traduit son idée. Par les chants du chœur, par les reproches d’Étéocle aux femmes thébaines, par ses entretiens avec les messagers, il ne cesse de nous montrer l’inquiétude farouche, l’exaltation hautaine qui

  1. Aristoph., Grenouilles, 119 : Ἀσαφὴς γὰρ ἦν ἐν τῇ φράσει τῶν παργμάτων.