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204 CHAPITRE V. — ESCHYLE

Si l'on cherche maiotenant à classer les traits dont Es- chyle se sert pour caractériser ses personnages, on peut dire qu'ils sont empruntés d'alK)rdàleur situation drama- tique, en second lieu à leur condition sociale, et enfin, dans une mesure restreinte, aux différences d'âge et de sexe. En somme il tient compte de tout ce qui dans la réa- lité nous distingue les uns des autres, mais il ne croit pas devoir donner à tout sur la scène une importance égale. La faiblesse et la timidité naturelle de la jeune fille, les alternatives d'exaltation et d'abattement qui sont pro- pres à la femme, en un mot tout ce qui, dans la nature humaine, est très particulier, très mobile, très délicat, il rindique parfois en passant, mais il ne se complaît pas à l'étudier en détail. Quand il fait parler des gens du peu- ple, quelques pensées naïves, parfois le goût des prover- bes, dénotent leur condition ; c'est peu de chose ^ Le faste royal, d'autre part, qu'il s'agisse d'Agamemnon ou d'A- tossa, est indiqué à propos, parfois en termes magnifiques, mais il ne semble pas qu'il pénètre à fond le personnage, pour imprimer sa marque à toutes ses façons de penser et do sentir. En réalité, la chose dont Eschyle se préoccupe surtout, c'est la situation dramatique. Les personnages sont ce que la donnée tragique les fait ; elle leur impose un sentiment fondamental qui est à lui seul tout leur être moral : sentiment si juste, si net, si fort, qu'il suffit aies rendre vivants.

Dans les sept pièces qui ont été énumérées plus haut, presque tous les grands sentiments de l'humanité ont leur part ; et non seulement ceux qui sont faits de force, de fougue, de colère, mais aussi ceux dont le prin- cipal élément est la faiblesse. A côté de l'énergie hautaine de Prométhée, de la violence d'Éléocle, de la haine adul- tère de Clytemnestre et du sombre fanatisme d'Oreste,

\ . Bamberger, Opiisc. phUologica, Leipzig, 1856 {Diss. de excubîtorls et prœconis personis in Agamemnone, p. 53 et suiv.).

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