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208 CHAPITRE V. — ESCHYLE

des aanécs après, cet admirable chant était encore dans toutes les mémoires; car Eupolis le parodiait dans son Maricas K On ne saurait être surpris de ce succès : la mollesse du rythme est ici tout aussi expressive que la poésie. Tandis que ces vieillards disent l'aspect terrible de cette armée de l'Asie, leur voix monte et s'abaisse tour à tour avec une sorte de monotonie lente, qu'aug- mente encore la liaison des membres en unelonguephrase musicale non interrompue. Sont-ce des êtres vivants ou des fantômes qu'ils évoquent ainsi devant nous? De bril- lantes images passent sous nos yeux; mais ces guerriers aux armes éclatantes, ce roi sur son char, cette cavale- rie superbe, tout cela ne va-t-il pas s'engloutir dans ce fond obscur où semble se perdre à chaque instant la voix languissante et découragée des chanteurs?

« Elle a passé dès longtemps, la destructrice des cités, la royale armée, — elle a passé sur la terre voisine, — se fiant au lien de chanvre de ses radeaux, — pour franchir le détroit

— de PAthamantide Hella, — et posant sa passerelle aux crampons de fer — comme un joug sur le cou des vagues.

» Et lui, le maître impétueux des multitudes de l'Asie, le roi, — de pays en pays, — il pousse son troupeau de peuples, divin pasteur, — doublement confiant, sûr de ceux qui vont à pied, — sûr aussi, sur les mers, — de ses solides marins, — Xerxès, né de l'or du ciel, mortel égal aux dieux.

» Lançant de ses yeux sombres — le regard sanglant du dragon, — avec ses mille bras et ses mille vaisseaux, — il va, pressant son attelage syrien, — faire sentir à un peuple bel- liqueux — les traits dompteurs d'Ares.

D Non, il n'est pas à croire qu'aucun homme, en face — de ce torrent de nations, — puisse opposer une digue assez forte

— à l'assaut des vagues en fureur. — Tout fuit devant l'armée de la Perse, — devant son peuple au cœur vaillant. »

N'est-ce pas un effet analogue qu'Eschyle s'est proposé dans son autre grand chœur ionique, dans la prière

1. r erses , scolio du v. 66.

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