212 CHAPITRE V. — ESCHYLE
. G est incontestablement dans les parties lyriques de ses tragédies qu'Eschyle est le plus philosophe; c'est là surtout qu'il expose ou qu'il laisse entrevoir les grandes idées qui pour lui dominent le drame et dont nous avons parlé plus haut. Et toutefois il s'en faut de beaucoup que ces idées ne soient la matière unique ou même princi- pale de son lyrisme. En général, elles occupent dans ses chœurs une position centrale qui les met en vue. C'est ce que nous venons de remarquer dans la parodos d^Aga- memnori', mais, comme nous l'avons observé aussi, elles y sont entourées de développements descriptifs ou passionnés qui souvent les dépassent de beaucoup en étendue.
L'élément descriptif ou narratif est considérable en effet dans le lyrisme d'Esch3'le. Nul poète n'aime plus que lui les longues énumérations qui se déroulent avec un luxe éblouissant de noms sonores et d'images bril- lantes. On ne peut relire par exemple le long récitatif anapestique qui forme le début de la tragédie des Perses sans être frappé de ce goût, plus dithyrambique encore que dramatique. Eschyle s'y enivre lui-même au bruit des mois retentissants qu'il assemble à l'infini; mais il faut ajouter que ce bruit n'est pas vide ; car, en fait, c'est une armée formidable, la foule de tous les peuples de l'Asie, que son imagination évoque devant nous. Et quand le chant succède, dans cette parodos, au récitatif, — ce chant que nous avons traduit tout à l'heure, — alors rénumération se resserre, pour ainsi dire, en quel- ques grandes images, au milieu desquelles rayonne, comme dans une transfiguration poétique, la figure royale de Xerxès. Dans Prométhée^ c'est par une énumé- ration semblable, quoique plus courte, que les Océanides, émues au spectacle des souffrances du Titan, associent à leur douleur toutes les races de l'Univers.
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