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SA LANGUE 217

principaux éléments de son langage. Mais dans ses em- prunts et ses imitations, il doit bien plus au lyrisme qu'à l'épopée*. Le style épique était trop égal pour lui, et son ampleur, si bien appropriée aux longues narrations, ne pouvait convenir au drame, contraint par sa nature même do se resserrer. Le style lyrique, plus hardi, plus brusque, plus condensé, s'y adaptait au contraire à mer- veille. Ajoutons qu'il se prêtait mieux aussi à l'expres- sion des idées philosophiques, inconnues au temps de l'épopée, mais de jour en jour plus présentes à l'esprit des contemporains d'Eschyle.

Cette influence du lyrisme est si profonde et si cons- tante chez lui qu'il est impossible de distinguer dans ses tragédies, comme dans celles de Sophocle ou d'Euripide, un style lyrique et un style dramatique, réservés chacun à des parties distinctes des mêmes pièces. En général la langue que parlent ses personnages dans le dialogue n'est pas différente en nature de celle qu'il leur prête dans les parties chantées. Dans un cas comme dans l'au- tre, il y a plus ou moins de hardiesse, suivant l'état moral qu'il veut dépeindre et aussi selon les objets qu'il décrit; mais partout en somme, le caractère fondamental est le même, et ce caractère est celui qu'Aristote appelait dithyrambique en l'opposant au caractère épique. En l'adoptant résolument, Eschyle créa la langue de la tra- gédie en même temps que la sienne propre ^ Cinquante ans après sa mort, quand Aristophane composait ses Grenouilles^ la pompe obscure et l'éclat extraordinaire de cette vieille poésie semblait quelque chose d'étrange,

1. Schol. Choéph. 427 : KwixwSeiTai w; 8t6upa(x6o;. A propos de Tex- pression 'Aatr,; (iTjXoTpdçou {Perses, 763), nous savons par hasard qu'elle est empruntée à Archiloque (Schol. Euripide. Médée, 713). Na- turellement la plupart des emprunts de ce genre nous échappent.

2. Aristoph., Grenouilles, 1004 : 'AXX' œ irpwToc rtâv 'EXXtjvwv uyp- ycaaaç pi^piaTa (TE|iva — xal xodfii^aaç Toayixbv Xîjpov.

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