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tion de la pensée, fut pour Sophocle un des fruits de cette tradition domestique, tout enveloppée de chers souvenirs. Il entra dans la vie avec une âme heureuse, une imagination sereine, un esprit sain et actif, que rien ne troublait.

À mesure qu’il grandit, Athènes le façonna de plus en plus à son image. Quelques témoignages précieux nous le montrent associé aux fêtes, aux manifestations artistiques et littéraires de ce temps. Il étudie les poètes nationaux, Homère et le cycle épique, les représentants du lyrisme et de l’élégie. Il s’initie à la musique auprès de Lampros, que les anciens nous représentent comme un des meilleurs maîtres d’alors, fidèle aux principes, et digne d’être nommé à côté de Pindare et Pratinas. En même temps, il fréquente la palestre et il est couronné aux concours gymniques. Sa grâce naturelle et sa beauté d’adolescent le distinguent entre les jeunes gens de son âge. Quand Athènes, en 480, après la victoire de Salamine, célèbre la fuite de ses ennemis par une action de grâces solennelle, c’est Sophocle, alors âgé de quinze ou seize ans, qui est chargé de conduire le chœur des jeunes gens en jouant de la lyre[1]. Plus tard, lorsqu’il paraît lui-même sur le théâtre, il profite volontiers des occasions pour y faire valoir son élégance naturelle et son adresse : dans le rôle de Nausicaa, on le vit, travesti en jeune fille, jouer à la balle avec ses compagnes ; dans celui de l’aède Thamyris, il ne craignit pas de reproduire devant le public athénien le jeu du célèbre cithariste rivalisant avec les Muses.

On ne nous dit pas que Sophocle ait eu des relations avec aucun des philosophes de ce temps ni qu’il ait participe à leurs études. Ce n’est pas là sans doute une omission. Rien dans son œuvre ne révèle un esprit avide de

  1. Vie : Μετὰ λύρας γυμνὸς ἀληλιμμένος τοῖς παιανίζουσι τῶν ἐπινικίων ἐξῆρχε.