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12 CHAPITRE I". — PRIMAUTÉ D'ATHÈNES

peu, tandis que les passions rivales s'exaspéraient. Les dix dernières années furent désastreuses pour Athènes. Non seulement elle fut atteinte dans son prestige et dans ses forces vives, mais elle eut le malheur de se diviser. La tyrannie des Trente fut pour elle une calamité pire que la défaite, car elle remplit son âme de souvenirs amers et malfaisants.

Il est vrai qu'après ces épreuves Athènes se releva. Durant la plus grande partie du iv® siècle, malgré des vicissitudes de fortune, elle demeura en Grèce une grande puissance. On ne peut pas dire qu'alors son ancien idéal fût oubh'é, ni que le ressort de son activité fût brisé. Loin de là. Il semble au contraire que la con- ception de son rôle glorieux soit devenue plus populaire en ce temps, grâce aux orateurs, et que ses citoyens aient fait plus d'affaires que jamais, grâce au développement de son commerce. Malgré cela, il est impossible de mé- connaître qu'il y a désormais dans son âme quelque chose de changé. Ce haut sentiment d'elle-même qu'elle con- serve lui sert maintenant à charmer sa vanité plus qu'à régler sa conduite. Elle écoute avec ravissement le panégyrique d'Isocrate, mais elle ne sait plus se faire une politique hardie et constante, en rapport avec ces belles idées. Au lieu de l'énergie toujours égale d'au- trefois, elle n'a plus guère que des accès de patriotisme, quand Démosthène réussit à l'exalter en la persuadant. Au fond, la préoccupation des intérêts privés tend à se substituer à celle de l'intérêt public. Le dévouement à la chose conlmune s'est refroidi, et par suite les défauts de la démocratie ressortent davantage. Beaucoup d'hommes de valeur répugnent à se mêler des affaires publiques, où trop d'incertitudes et de dégoûts sont à craindre. Ils font de la philosophie, et vivent dans la cité en specta- teurs sceptiques et mécontents. L'union morale étant détruite, la force collective est amoindrie.

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