Aller au contenu

Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne montrait ni plus d’aptitude, ni plus d’activité que tout autre : c’était un des bons citoyens d’Athènes, et rien de plus[1] ». Pourtant, il ne se dérobait pas non plus à la confiance populaire. Il fut deux fois stratège, et il paraît avoir exercé aussi les fonctions d’hellénotame[2]. On peut conclure de là que son intelligence vive et facile s’appliquait, quand il le fallait, à la guerre et aux finances, avec cette souplesse qui était d’ailleurs un des traits distinctifs de l’Athénien.

Ces détails n’ont d’intérêt pour nous qu’autant qu’ils nous font mieux connaître le caractère de Sophocle. Il en est de même de ceux qui concernent sa vie privée. On vantait la facilité de son humeur. Heureux de ses propres succès, il n’était point jaloux de ceux des autres[3]. L’habitude de réfléchir et de composer ne l’avait rendu ni rêveur ni morose. Une belle statue du musée de Latran nous le fait voir dans la force de l’âge, l’air grave et doux, suivant sa pensée sans effort, le regard profond, mais non distrait. Il avait des mœurs avenantes et sociables. Nullement ennemi des plaisirs tempérés, il savait se montrer enjoué dans un banquet et plaisanter avec grâce au milieu d’un cercle d’amis. Sa conversation était alors pleine de cette ironie attique qui est si charmante dans les dialogues de Platon[4]. Sincèrement touché du spectacle de la

  1. Ion dans Athénée, XIII, p. 603, E : Τὰ μέντοι πολιτικὰ οὔτε σοφὸς οὔτε ῥεκτήριος ἦν, ἀλλ’ ὡς ἄν τις εἶς τῶν χρηστῶν Ἀθηναίων..
  2. Il fut stratège en 340 pendant l’expédition de Samos (Ibid. et Vie ; d’après l’argument d’Antigone, cet honneur lui aurait été conféré en raison de l’impression produite par cette pièce) ; il le fut encore en même temps que Nicias (Plutarque, Nicias, c. 15). — Pour les fonctions d’hellénotame, voir Dindorf, Vie de Sophocle. — La Vie anonyme nous apprend aussi qu’il dut à la considération dont il jouissait d’être investi du sacerdoce du héros médecin Alcon (Cf. J. Martha. Sacerdoces athéniens, p. 149 et 169).
  3. Aristoph. Grenouilles, 88 : Ὁ δ’ εὔκολος μὲν ἐνθάδ’, εὔκολος δ’ ἐκεῖ.. Cf. Ibid. 788 et suiv. Vie : Τοῦ ἤθους τοσαύτη γέγονε χάρις ὥστε πάντη καὶ πρὸς ἁπάντων αὐτὸν στέργεσθαι.
  4. Voyez le récit d’Ion cité plus haut. — Quelques fragments de ses