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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/243

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dans la suite père de Sophocle le jeune, que le vieux poète vit encore grandir et qu’il aima d’une tendresse toute particulière. Entre ces enfants, d’origine et de situation différentes, il y eut, dit-on, des rivalités, dont le père eut à souffrir. On sait comment, d’après une tradition qui, en ce qu’elle a d’essentiel, ne semble pas indigne de foi, ces querelles domestiques aboutirent à un débat judiciaire. Tout cela nous laisse deviner la part de souffrance qu’il y eut dans l’existence de cet homme heureux. Averti parfois, lui aussi, de la dureté naturelle des choses, il dut sans doute à ces leçons intimes une connaissance plus juste de la vie ; et ainsi se mêla à la sérénité naturelle de son esprit cette pointe d’amertume qui en fait la saveur.

Tout ce que nous savons de certain sur les amitiés de Sophocle, c’est qu’il connut le grand historien Hérodote. À l’âge de cinquante ans, il lui adressait une élégie familière, dont le premier vers nous est resté[1]. Mais dans cette Athènes, si brillante alors, où se rencontraient tant de grands esprits, les relations du glorieux poète, qui était en même temps un homme affable, ne purent pas ne pas être nombreuses et variées. Si nous les ignorons, nous en sentons du moins l’influence dans ses œuvres. Elle s’y reconnaît à la souplesse de la dialectique, à la richesse des idées, à une grâce alerte et à une finesse d’intentions qui ne pouvaient se développer que dans les entretiens d’hommes spirituels et distingués.

La principale préoccupation de Sophocle fut le théâtre. Au dire de Plutarque, il fit représenter sa première tétralogie sous l’archontat d’Apséphion (en 469-8 avant J.C.). Âgé alors de vingt-sept ou vingt-huit ans, il fut vainqueur du vieil Eschyle. Le prix lui fut décerné par Cimon et les autres stratèges, choisis exceptionnellement comme juges[2]. À partir de ce moment jusqu’à sa mort, il dut faire

  1. Plutarque, An seni, etc., c. 3.
  2. Plutarque, Cimon, 8.