jouer en moyenne une tétralogie tous les deux ans. Aucun poète ne fut plus souvent vainqueur que lui. Jamais, dit-on, il ne descendit au dessous du second rang[1]. Dans sa jeunesse, il joua lui-même quelques-uns de ses rôles, selon l’ancien usage ; plus tard il y renonça à cause de la faiblesse de sa voix.
Ces quelques indications suffisent à nous montrer en Sophocle l’Athénien par excellence. On comprend qu’Athènes l’ait aimé et qu’il ait lui-même aimé Athènes. Des souverains étrangers voulurent, dit-on, l’attirer chez eux : il refusa leurs offres. La ville qui l’avait vu naître était doublement sa patrie : car il y tenait par l’intelligence autant que par le cœur. Il s’y éteignit doucement, âgé de plus de quatre-vingt-dix ans, en 405 avant notre ère, laissant le souvenir d’un homme heureux[2]. Ceux qui ornèrent son tombeau y firent sculpter une sirène, comme emblème de cette merveilleuse poésie dont l’enchantement survivait. Quant à Athènes, elle rendit un culte à Sophocle en lui élevant un sanctuaire où elle lui offrait des sacrifices annuels comme à un héros.
II
Nous ne savons qu’approximativement combien Sophocle avait composé de pièces. Il semble que le critique alexandrin Aristophane de Byzance en reconnût 123 pour
- ↑ Carystios dans la Vie anonyme. Le nombre de ses victoires fut, selon le même témoignage, de 20 ; selon Diodore (XIII, 103), de 18 ; selon Suidas, de 24.
- ↑ Fragm. des Muses de Phrynichos, pièce jouée en 405 (Kock, Fragm. comic. gr., Phrynichos, fr. 31) :
Μάκαρ Σοφοκλέης, ὃς πολὺν χρόνον βιοὺς
ἀπέθανεν, εὐδαίμων ἀνὴρ καὶ δεξιός,
πολλὰς ποιήσας καὶ καλὰς τραγῳδίας ·
καλῶς δ' ἐτελεύτησ' οὐδὲν ὑπομείνας κακόν.