dont l’action est ménagée, le poète a su tirer d’un sujet fort simple de dramatiques péripéties. L’admiration, la crainte, la sympathie, l’indignation, la pitié se succèdent de scène et scène, après le départ même d’Antigone. Les chants du chœur, plus étendus que ceux des pièces suivantes, sont d’une grande beauté.
Électre ressemble à Antigone par plusieurs traits. Le sujet en est également emprunté à Eschyle : c’est celui même des Choéphores, à savoir le châtiment infligé par Oreste et Électre à Clytemnestre et à Égisthe. Mais en imitant son devancier, Sophocle se montre profondément original. Le personnage d’Électre, secondaire chez Eschyle, domine ici toute la pièce[1]. Par sa haine implacable, par la vivacité ardente de ses souvenirs, par le sentiment du devoir, par une énergie mêlée pourtant de tendresse, elle attire à elle tous les regards. C’est une autre Antigone par l’héroïsme, mais plus sombre, parce qu’elle est liée à une destinée plus terrible. Et pour marquer davantage la ressemblance, Chrysothémis est à côté d’elle ce qu’est Ismène auprès d’Antigone. Un art remarquablement habile dans sa simplicité ménage l’intérêt et varie les aspects des caractères ; la reconnaissance du frère et de la sœur, qui a lieu chez Eschyle dès le début, est ici différée par un artifice heureux, et elle éclate de la façon la plus touchante au moment où la fausse nouvelle de la mort d’Oreste a poussé la souffrance morale d’Électre au plus haut degré. Quant aux rapports de la partie lyrique avec le dialogue, si la parodos est encore remarquable par son ampleur, il faut noter que les autres chants du chœur sont de médiocre étendue.
Œdipe roi doit être regardé comme le chef-d’œuvre de Sophocle. C’est, entre ses pièces subsistantes, celle où son art se montre le plus sûr de lui-même et le plus
- ↑ Protagoniste, Électre ; deutéragoniste, Oreste, Chrysothémis, Clytemnestre ; tritagoniste, pédagogue, Égisthe.