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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/264

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historique de l’usage grec a été donnée dans un chapitre précédent : c’est l’influence de l’ancienne lamentation qui a établi et maintenu longtemps cette tradition. Mais ce qu’il faut remarquer ici, c’est que chez Sophocle ce vieil usage devient, par le fait de l’idée, une chose vraiment neuve. La tragédie, telle qu’il l’a conçue, étant l’étude morale d’un acte réfléchi, il faut que le dénouement soit le terme naturel de cette étude ; ce qui ne veut pas dire d’ailleurs qu’il doive toujours offrir une réponse nette à une question précise. Dans les sujets vraiment dramatiques, la question de droit est obscure et complexe, difficile à poser et plus difficile encore à résoudre. Une tragédie, à la fin de laquelle on pourrait dire absolument du personnage principal qu’il a eu tort ou raison, aurait quelque chose d’abstrait et d’étroit et ne ressemblerait pas à la vie ; elle serait sans profondeur et sans attrait. Sophocle avait l’âme trop humaine pour commettre une pareille erreur. Tout est complexe au point de vue du droit dans ses tragédies, et par conséquent aussi dans ses dénouements. Mais, ce qu’on peut dire, c’est qu’à ce moment final de l’action, presque toujours après la catastrophe, dans une sorte d’apaisement relatif, sombre et douloureux, le caractère définitif des choses apparaît mieux, et la mesure des responsabilités, divines ou humaines, se laisse plus sainement apprécier. Les passions violentes sont tombées, le jugement devient possible, et les choses mêmes laissent entrevoir plus clairement de quelles concessions mutuelles il pourra se former.

IV

Dans des pièces ainsi faites, les personnages sont à l’aise pour révéler leurs caractères. Aussi est-ce par