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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/290

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absolument ne semble la justifier. Certaines parties sont plus ornées, par exemple les récits ; d’autres ont plus de hardiesse, parce qu’elles traduisent de vifs mouvements de l’âme ; d’autres sont simples et nous charment surtout par la délicatesse de l’expression qui reflète celle du sentiment. Nulle part, l’enflure creuse ni la platitude vulgaire. Bien loin que ce langage manque d’harmonie intime, tous les éléments dont il se compose sont comme fondus en un métal sonore et brillant, qui vibre avec plus ou moins de force, mais sans dissonances.

Comparé à celui d’Eschyle, ce langage nous charme d’abord par le jeu bien plus libre et varié qu’il permet à la pensée. D’une génération à l’autre, un grand progrès intellectuel s’est fait dans le monde grec. Au lieu de voir les choses un peu en gros, on commence à les analyser, on en saisit mieux les aspects divers, on discerne des rapports délicats qui échappaient à des esprits moins exercés. Ces qualités nouvelles devaient alors s’accuser de jour en jour plus vivement dans la société athénienne. Sophocle n’aurait pas été de son temps s’il ne les eût appréciées et s’il n’en eût communiqué quelque chose à la poésie même. Une fine précision dans le choix et l’emploi des termes dénote souvent chez lui le contemporain de Thucydide et de Prodicos. Presque toutes ses expressions sont pleines de sens : non seulement elles frappent à l’audition, mais elles invitent à réfléchir. Ce qu’il emprunte soit à la langue homérique, qu’il connaît à fond, soit à l’usage de ses contemporains, il se l’approprie et il le rajeunit, s’il y a lieu, par une justesse naturelle et une sorte d’adresse suggestive qui double la

    κόμπον ἐκπίπτων, οἶον εἰς ἰδιωτικὴν παντάπασι ταπεινότητα κατέρχεται. — Plutarque, de Audiendo, p. 45, 13 : Μέμψαιτο δ’ἄν τις …Εὐριπίδου τὴν λαλιὰν, Σοφοκλέους δὲ τὴν ἀνωμαλίαν. — Longin, Subl. 33 : Ὁ δὲ Πίνδαρος καὶ ὁ Σοφοκλῆς ὁτὲ μὲν οἶον πάντα ἐπιφλέγουσι τῇ φορᾷ, σβέννυνται δὲ ὀλίγως πολλάκις καὶ πίπτουσιν ἀτυχέστατα..