Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/294

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révèle déjà vivement dans Ajax, il ne paraît pas possible de lui refuser l'honneur de l’avoir introduite dans la tragédie[1]. La puissance d’imitation, qui est un des dons du poète dramatique, éclate dans tous les détails de telles scènes. Mais, dans cette imitation, jamais rien de brutal. Même en interprétant par les mots la souffrance du corps, Sophocle reste grand poète par une certaine dignité du rythme et de la phrase, par des traits de haute imagination, par je ne sais quelle influence noble de la pensée jusque dans le tumulte des sensations.

Ces mérites réunis constituent l'atticisme de Sophocle. M. Jules Girard l'a heureusement défini dans des lignes qui méritent d’être retenues : « Pourquoi la poésie de Sophocle est-elle si réellement athénienne ? N’est-ce pas parce qu’il y a dans les expressions une mesure et un tact exquis, une simplicité puissante, une élégance naturelle, parce qu’elles sont, pour ainsi dire, malgré la hardiesse et la concision du style, éclairées par une lumière limpide et pénétrante[2] ? » Cela est vrai, et ce qui est dit là du style de Sophocle s’applique aussi bien à son art dans toute son étendue. C’est l’impression dernière que laisse l’étude de ses œuvres.



  1. Ajax, 437 et suiv., 815 et suiv., 915 et suiv., 991 et suivants.
  2. J. Girard, Études sur l’éloquence attique, p. 53.