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SA VIE ET SON CARACTÈRE 287

dans son caractère nî dans ses idées, comme chez Es- chyle ou Sophocle, l'influence d'une tradition de famille plus ou moins aristocratique. Il n'y a rien en lui du vieil Athénien; dès qu'il se révèle, il est dégagé du passé.

Le trait le plus frappant de sa vie, c'est qu'elle demeura entièrement privée. Dans une ville où tout le monde exer- çait tour à tour des fonctions publiques, Euripide se con- tenta d'être poète. Non qu'il se désintéressât des choses de la cité, — car ses tragédies en sont pleines, — mais il n'entendait s'y mêler qu'au moyen de son art. Le théâ- tre était sa tribune; il ne se soucia jamais de paraître à aucune autre.

A son foyer d'ailleurs, il fut malheureux. Deux fois marié, il eut la mauvaise chance, semble-t-il, de ne jamais rencontrer une femme digne de lui. Son caractère, natu- rellement peu sociable ^ en devint sans doute plus morose. Nous savons peu de chose de ses relations de société; on ne nous le montre pas, comme Sophocle, s'entourant d'amis : ceux qu'il préférait, c'étaient encore ses livres; il eut le premier dans Athènes une bibliothèque considéra- ble ^ Tout nous invite à croire qu'il vécut surtout au mi- lieu de cette collection sans cesse accrue, lisant et médi- tant, donnant à l'étude la meilleure part de ses jours et même de ses nuits. Ce fut ainsi qu'il dut principalement se familiariser avec les plus remarquables philosophes contemporains, dont on a voulu faire ses maîtres ou ses amis, avec Heraclite, Anaxagore, et Prodicos ^ Leurs idées, quand elles se rencontrent dans ses écrits, n*y ap- paraissent pas commodes souvenirs de jeunesse, comme des doctrines fondamentales sur lesquelles se serait élevé

1. Vie I : Sx-j8pa)7roç ôs xal o-uvvou; xal aycrTYjpbç èçaivsTo xai fito-OYe- >vw; xa\ fi,caoyuvY|ç. Suidas : SxvÔptoTcb; Se tjv to y)8oc xat àfistÔYjç xal çeû- ywv Ta; o'Uvo^J(T^aç.

2. Athén. I, p. 3 A.

3. Suidas, EùpiiriSriç. Decharme, Euripide et Anaxagore^ Revue des Études grecques, 1889, p. 234.

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