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LIBERTÉ DE SON ESPRIT 305

qui se laisse deviner çà et là * ; puis, de plus en plus, Tal- lusion fréquente aux pensées secrètes, aux méditations solitaires, à Tétat d'esprit des sages isolés de la foule ^; enfin de véritables professions de foi sous des noms de personnages mythologiques, des déclarations de philoso- phie indépendante qui scandalisent le public athénien et mettent parfois le poète presque en danger ^ Sous ces hardiesses croissantes, on ne peut méconnaître un en- semble de doutes qui équivalent parfois à des négations arrêtées; mais la pensée dernière du poète s'y laisse- t-elle saisir? Ou plutôt a-t-il jamais eu une pensée de cette sorte, une doctrine ferme qui le satisfit? Rien n'est moins certain. Sans doute, on entrevoit chez lui des hypothèses cosmogoniques, des conceptions de la vie universelle qui touchent à celles d'Anaxagore ou d'He- raclite ^. Mais qui oserait dire si ce n'étaient pas là pour lui tout simplement de belles et séduisantes hypothèses d'un jour, acceptées par son imagination sous l'influence d'une lecture récente? Un système proprement dit sup- pose dans l'esprit qui s'y attache une force de coordina- tion, une constance et comme une convergence d'idées qui semblent avoir été bien étrangères à la nature mobile d'Euripide. Qu'on relève chez lui une tendance marquée avoir dans les choses une force immanente qui les pousse et qui est leur nature même, peut-être aura-t-on raison; à une condition toutefois, c'est qu'on ne fasse pas d'un rêve philosophique une philosophie proprement dite.

Il y avait des contradictions dans ses vues sur l'univers et sur les dieux; il y en avait aussi dans ses jugements sur l'homme. Ce qu'on peut noter de plus constant en

1. Prologue d'Alceste, scène entre Apollon et Thanatos.

2. Alceste, 962; Médée, 298; Hippobjte, 314.

3. MélanippCy Bellérophon ; Troyennes, 884, Héciibe, 488. Cf. fiagm. 288, 508. Anecdote relative à Ylxion,

4. Valckenaer, Diatribe in Euripidem, p. 34-57. Of. fragm. 830, 890, 488. Voy. plus haut, p. 287, n. 3.

Hist. de la Litt. grecque. — T. III. 20

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