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344 CHAPITRE VII. — EURIPIDE

quand cela est utile, elle semble n'avoir rien d'étudié. Quelque chose do familier^ de naïf, de spontané lui prête un charme exquis. Et pourtant cette phrase si agile, si dé- liée, n'est jamais sèche : elle satisfait l'oreille autant que l'esprit; elle a, dans son allure simple, la rondeur qu'Aris- tophane admirait et qu'il essayait d'imiter *. Ce qu'elle garde de poésie n'est le plus souvent qu'une sorte de voile léger sous lequel nous devinons sans peine le ton et les façons de parler des Athéniens distingués de ce temps.

Elle se prête merveilleusement aux finesses du dia- logue si chères aux Athéniens. Nul ne sait, comme Euri- pide, conduire et prolonger un échange d'idées promptes, mordantes ou délicates, entre deux interlocuteurs qui se répondent vers par vers. De tels passages abondent dans ses tragédies, et ce sont à la fois les plus caractéris- tiques peut-être et les plus intraduisibles. Tout est dans les mots et dans les tours : ce sont des chocs, incessants, imprévus, lumineux. Dans ces conflits de paroles, Euri- pide se montre plus spirituel et plus subtil que Sophocle. Le langage est plus aiguisé. Les mots volent comme des flèches, et tantôt pénètrent, tantôt rebondissent et re- viennent en arrière. Une distinction brève et tranchante détruit une idée, une antithèse soudaine renverse un ar- gument, une allusion repousse une insulte. Pour con- denser ainsi une discussion ou une dispute, il faut une langue agile et nerveuse, merveilleusement concise, aussi remarquable par sa précision que par sa souplesse. Jamais un tour embarrassé, jamais une locution lourde ou languissante; des expressions toujours nouvelles pour des idées très voisines, des mouvements de phrase brusques pour rompre un argument gênant, ou au con-

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