Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/357

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

SA LANGUE 345

traire d'ingénieuses et rapides liaisons qui tout à coup ajoutent à l'idée de l'adversaire une conséqucnceabsurdo ou contraire à ses intentions K

Et ce n'est pas seulement aux altercations dramati- ques que s'adapte cette forme si athénienne. Le même art a des ressources non moindres lorsqu'il s'agit d'un malentendu à faire durer ou au contraire à résoudre, d'une explication à donner ou à refuser, d'une recon- naissance touchante, soit à préparer, soit à réaliser, d'une lutte de générosité à mettre en action ^ Cette langue, tout à l'heure incisive, devient alors singulièrement dé- licate et adroite. Elle sait effleurer les choses qu'il ne faut pas toucher, elle a des demi-indications, des détours et des retours, des mots suggestifs, des sous-entendus in- génieux, et aussi de brèves échappées de sentiment qui tout à coup font jaillir les larmes.

Avec cela, toute vive qu'elle est, elle excelle à frapper les pensées durables. Euripide a été, avant Ménandre qui l'imita, le plus habile monnayeur de sentences que la Grèce ait connu. A cet égard, Quintilien le jugeait égal aux sages du vu® et du vi® siècle, dont les réflexions, au- thentiques ou non, avaient formé peu à peu le fonds com- mun de toute morale saine et avisée ^ Toutefois, entre eux et lui, la différence est sensible. Les sentences attri- buées aux sages ont un tour d'oracles; elles visent à l'au-

��1. Voyez par exemple les dialogues stichomythiques d'Étéocle et de Polynice dans les Phéniciennes, 594 et suiv., d'Oreste et de Ménôlas dans Oreste, 1573 et suiv., de Jason et de Médée dans Médée, 1361 et suiv.

2. Scènes d'Iphigénie et d'Oreste dans Iphig. en Tauride, 492 et suiv., d'Agamemnon et d'Iphigénie dans Iphig, à Aulis, 640 et suiv., d'Oreste et du vieillard dans Electre» 612 et suiv., d'Ion et de Creuse dans Ion, 255 et suiv., d'Oreste et de Pylade dans Oresle, 729 et suiv., et beaucoup d'autres.

3. Quintil. X, 1, 68 : Et sontentiis densus, et in ils, quse a sapieu- tibus tradita sunt, paene ipsis par.

�� �