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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/43

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TRANSFORMATION DU DITHYRAMBE 31

populaire. Mais, au commencement du v® siècle, le Les- bien Arion de Méthymne, un des maîtres du lyrisme, imagina de perfectionner ces dithyrambes, dont l’effet était si puissant. Il ne dépendait pas de lui, et sans doute il n’essaya pas, d’en modifier la nature. Ce qui les rendait chers au peuple, c’était leur violence : une sorte de dé- lire, d’abord voulu, puis involontaire ; un rythme effréné, l’agitation du corps, des chants qui ressemblaient par moments à des cris de douleur*. Il se contenta de soumettre ces manifestations dionysiaques aux lois de l’art qui régnait alors. Il y mit de Tordre, il y introduisit la symétrie lyrique, il en régla la turbulence même.

Ces chœurs, plus ou moins assujettis à cette discipline nouvelle, furent certainement en Grèce ce qui passionna le plus le public pendant les vingt ou trente années qui précédèrent immédiatement la naissance de la tragédie.

Les Dionysies, où ils se produisaient, étaient de toutes les fêtes celles où l’âme populaire se mettait le plus franchement en liberté ^ L’ivresse y aidait peut-être; mais il est difficile de croire qu’elle eût part au dithyrambe; et vraiment.elle n’y était pas nécessaire. Quand l’homme du peuple, déguisé en satyre et devenu en imagination un des compagnons de Dionysos, chantait les souffrances de son dieu ou ses triomphes, il se sentait bien plus ému que dans les représentations solennelles des autres cultes. Tantôt s’abandonnant à la joie et tantôt au contraire prenant au sérieux sa douleur, il jouissait de ces péripéties,

1. Proclus, Chrestom., 14: "Eativ ouv à {j,àv 6i9upa[i6o; x£xtvr,(iévo; xa\ îioXÙ To èv8ou(Ttâ)8eç {ierà xopsîaç èfiçatvwv, etç TcâÔY] xaTao-xeua^opievoç toc jiàXtffTa ol-KsXa tw Oeo)* xal o-e^ôêyjTat (liV toiç puô^ioîç.

2. Nous connaissons mal l’histoire des Dionysies. Il est probable qu’au commencement du vie siècle, il n’y avait qu’une fête de Dionysos, celle de la fin de l’automne, fête du vin nouveau, connue plus tard sous le nom de Dionysies des démes. Voyez Mommsen, Héortologie, p. 330, 332; cf. J. Girard, art. Dionysies dans le Dictionnaire de Daremberg et Saglio.